VIEUX COUPLE, COUPLE USE ?

« Quand on aime quelqu’un, on a des choses à lui raconter jusqu’à la fin des temps. »

Christian Bobin, Geai

Qu’est-ce que le temps fait au couple ?

De quel couple parle-t-on quand on aborde la durée longue dans le couple ?

Selon Pascal Duret, dans son livre Le Couple face au temps 1, le couple se définit par un processus, celui de la synchronisation de deux individualités qui décident (de manière tacite ou formulée) de mettre l’autre au centre de sa vie, du moment que cette décision est connue des deux partenaires. La cohabitation n’est pas forcément une condition ni une garantie, plutôt un effet.

Quelle durée fait un vieux couple ? Chacun a son curseur : deux, vingt, cinquante ans… une durée suffisante pour installer une routine, des rituels, des habitudes qui structurent le vécu quotidien.

La longévité du couple est-elle une valeur ou bien un état de fait, faute de mieux ? tout dépend de ses attentes, ses projections, ses insécurités.

A toutes ces questions, chacun a son idée sur le couple qui dure, sa longévité est une manifestation de tant de réalités diverses, d’expériences personnelles uniques.

La longévité peut être considérée comme un facteur de renforcement du lien et/ou un facteur d’érosion, il n’y a pas de réponse unique et simple à cette question. La plupart des couples au long court affrontent des forces antagonistes et coexistantes : inertie, dilution, tensions internes, polarités, convergences… et tentent de naviguer avec toutes ces conditions climatiques.

Je me pencherai plus particulièrement sur l’usure, cet effet du temps qui sape insidieusement les fondations d’un couple s’éloignant un peu trop du contrat initial ou bien à l’inverse, qui serait incapable de faire évoluer dans le temps, le contrat de départ.

Pascal Duret détaille trois groupes de facteurs identifiant l’usure d’un couple :

  • Poids des routines, le manque de reconnaissance par l’autre, les vicissitudes d’une sexualité faiblissante.
  • Manque de confiance et absence de soutien.
  • Accusations d’incohérences dans le choix des buts et projets, exigence de cohérence identitaire (s’accorder sur une lecture partagée du vécu de chacun dans le couple, une version commune en quelque sorte).

L’usure est insidieuse par son invisibilité mais elle est ressentie et exprimée par le couple, sous une forme conscientisée ou non :

  • En introduisant plus de souplesse dans l’économie du couple, désactiver les conflits jugés mineurs.
  • En élargissant les espaces et les temps personnels quand les ressources économiques le permettent (grand appartement, loisirs, déplacements individuels). L’absence et les retrouvailles sont pensées comme une réponse à l’usure.
  • Par la scène de ménage, butée symbolique permettant d’espérer repartir sur de nouvelles bases.

L’usure serait donc la part véreuse de la longévité, indépendamment d’autres problématiques qui viendraient s’agréger.

Pour autant, l’usure est-elle une fatalité, un caillou dans la chaussure de tous les vieux couples ? Heureusement non. L’antidote à cet engourdissement est « la reconnaissance que chacun porte à l’autre, [c’est-à-dire] un rapport de mutualité nécessaire à l’alimentation réciproque de l’estime de soi. »

Chaque membre du couple reçoit une confirmation de son existence par la place de choix que l’autre lui aménage dans sa propre vie. Vous êtes confirmé dans la valeur de votre être car le regard qu’il porte sur vous, constitue un appui majeur à la construction de soi en devenir, « des sois possibles ». De fait il est essentiel de trouver en l’autre des qualités, des compétences à reconnaître, à souligner, autant pour lui que pour soi.

La fonction de la reconnaissance est de permettre l’épanouissement du conjoint, celui-ci voyant les dimensions supérieures de son être, reconnues. Un partenaire ne peut se sentir épanoui dans son couple s’il n’est pas reconnu dans ses potentiels, ou pire s’il est nié ou dénigré dans ses capacités établies et/ou latentes.

La reconnaissance n’est pas d’ordre quantitatif (multiplier les attentions et les égards), elle est d’ordre qualitatif (savoir distinguer l’autre entre tous les autres, et entre tout le reste du temps consacré aux obligations quotidiennes).

Plus l’usure s’installe, plus la reconnaissance est difficile, et pourtant nécessaire. En effet, avec le temps, la curiosité pour l’autre s’affaiblit, la soif de le connaître et de le reconnaître, s’épuise. L’ère des grandes découvertes semble derrière soi, chacun se sent en terrain conquis et connu. On pense le connaître par cœur. A ce moment-là la reconnaissance de ses possibilités d’évolution s’avère paradoxalement cruciale, sinon que serait un avenir entièrement écrit dans ses grandes et petites lignes ? une forme de nécrose.

L’usure masque les transformations. Percevoir du changement là où ne semble régner que la répétition permet de faire du temps un allié. Cela revient à assurer à l’autre qu’il n’est pas réductible à ses traits dominants. Faire que l’infime, le quasi imperceptible puisse devenir (ou redevenir) central dans l’avenir possible de l’autre, c’est l’enjeu propre à la reconnaissance à long terme, essentielle à l’existence d’un futur ouvert.

Pascal Duret distingue plusieurs formes de reconnaissance :

  • reconnaître mon humanité, par le respect que l’autre m’exprime
  • reconnaître ma valeur, nourriture de mon estime de soi
  • reconnaître l’identité latente de mes « sois possibles » (deviner, soutenir l’exploration de mes potentialités)

Vieillir à deux, dans un certain équilibre des forces, n’est pas se figer sur les débuts passionnés de son histoire ou bien s’asseoir une bonne fois pour toutes sur ses acquis, mais pouvoir puiser dans son vieux couple, suffisamment d’énergie pour ressentir un sentiment accru de liberté dans le cadre de son engagement.

Face à l’usure, seule la reconnaissance permet d’activer la créativité qui reste en réserve dans le couple.

Le maître du temps en astrologie est Saturne, autre nom de Chronos. Quand il présente un aspect harmonique avec les planètes affectives telles que la Lune ou Vénus ou les maîtres des maisons relationnelles (V, VII, XI), il peut indiquer la constance sur le plan relationnel, une longue durée, aussi bien sur le plan amoureux qu’amical ou même professionnel. En revanche la configuration ne signifie pas qu’une personne fera l’expérience d’une relation unique dans toute sa vie, la durée n’implique pas l’exclusivité.

L’ombre de Saturne – c’est-à-dire ses qualités psychiques inconciliables en nous, traduites par des contacts dissonants avec d’autres planètes personnelles – exprime la peur de l’effondrement, l’insécurité, les mécanismes défensifs mis en place pour répondre à cette insécurité, comme par exemple faire durer son couple sur la base d’un évitement de ses peurs.

Pour scruter l’effet de Saturne dans un couple, il faut comparer les thèmes des deux partenaires, il s’agit d’une synastrie.

Voici la synastrie d’un couple qui a 30 ans de vie partagée : les deux thèmes sont superposés, le thème 1 contient les planètes en rouge, et le thème 2, les planètes en bleu. Les aspects tracés sont ceux des interactions entre les deux thèmes.

Usure du couple

Pour aller à l’essentiel, il suffit d’examiner les éventuelles superpositions de planètes, ici nous constatons immédiatement une superposition en Bélier de deux conjonctions, intégrant les luminaires : la conjonction Soleil/Vénus du thème 1 recouvrant la conjonction Lune/Jupiter du thème 2. Traditionnellement, les superpositions de luminaires sont les contacts les plus favorables à la vie partagée. L’épanouissement personnel (Soleil) se joint à l’harmonie d’une intimité partagée. En Bélier et dans les secteurs des maisons VIII et IX, leurs échanges affectifs sont stimulants, féconds, parfois agressifs mais sources d’évolution personnelle pour chacun d’eux. Une autre superposition de luminaires a lieu dans le signe du Taureau, la Lune du thème 1 sur le Soleil du thème 2. Le Taureau apporte la fixité, la stabilité du lien et là aussi, il y a un caractère créatif, fécond dans le lien, sur les secteurs des maisons IX et X, leurs destins s’enrichissent de leurs contacts.

Si on examine la position de Saturne dans la synastrie, on constate un sextile de Saturne (thème 1) à la conjonction Lune/Jupiter et un carré à l’Ascendant (Thème 2) : l’aspect de la durée est bien présent mais tout en apportant une sécurité affective, il inclut aussi une certaine pesanteur avec le carré sur l’Ascendant.

Quant au Saturne du thème 2, il est nettement plus influent sur le thème 1, avec de nombreux contacts avec les planètes dites personnelles (Soleil, Lune, Mercure, Vénus, Mars). Tout d’abord, Saturne est recouvert par le Noeud sud du thème 1, il forme un carré à la conjonction Soleil/Vénus, un sextile à la Lune, un trigone à Mercure, un sextile au Milieu du ciel. Il y a une convergence harmonieuse des attentes en matière de sécurité affective, d’un foyer partagé, d’intérêts communs, un commerce intellectuel fructueux. En revanche le carré à la conjonction Soleil/Vénus génère des frustrations affectives, des freins à l’épanouissement personnel du thème 1.

On peut remarquer que le sextile Saturne-Lune se répète dans les contacts des deux thèmes, cela accentue la fiabilité du foyer construit, en revanche les carrés à l’Ascendant et au Soleil/Vénus, provoquent un certain enfermement dans cette intimité domestique et peut entraîner les effets insidieux de l’usure si ce couple ne réagit pas. Il a pourtant les ressources de s’en prémunir.

1. Duret P., Le couple face au temps, Paris, Armand colin, 2007.

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